En France, plus d’un million de personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer selon une étude menée par la fondation Médéric Alzheimer. D’ici à 2050, ce nombre devrait doubler, en partie à cause de l’espérance de vie qui augmente de plus en plus. Effectivement, Alzheimer touche 16% des seniors de 80 ans et plus et 41% des personnes de plus de 90 ans. Cette maladie est appréhendée par la population qui la classe au second rang des maladies qui lui font peur. Les personnes atteintes d’Alzheimer peuvent vivre des années avec cette maladie, et chaque événement de la vie peut faire l’objet d’un traumatisme supplémentaire. Si on les pense totalement déconnectées de la réalité, elles n’en demeurent pas moins sensibles ou touchées lors de l’annonce d’une terrible nouvelle, comme le décès d’un proche. Comment faire, alors, pour annoncer la perte d’un être cher à une personne atteinte d’Alzheimer ? Pourquoi faut-il leur annoncer cette triste nouvelle ? Explications.

Pourquoi ne faut-il pas taire la vérité ?

Dans un premier temps, il est essentiel de connaître les raisons pour lesquelles il est préférable d’annoncer la disparition d’un proche à une personne souffrant d’Alzheimer. Cette maladie efface peu à peu la mémoire des malades, certes. Pour autant, ces personnes ressentent toujours des émotions fortes, et sont même capables de déceler les signes d’une profonde tristesse, d’un chagrin, d’un changement chez leurs proches.

Lorsque la famille traverse un deuil, les émotions sont décuplées, la tristesse les envahit. Taire cette nouvelle lorsqu’elle rend visite à son proche âgé dont la mémoire s’efface, peut sembler légitime car la volonté de le préserver prend le dessus. Toutefois, ce proche analysera le comportement de sa famille, saura lire dans les regards, observer la gestuelle des uns et des autres, même si elle n’en dit rien.

Les psychologues s’accordent pour inviter les familles à annoncer ces tristes nouvelles à leur proche malade. Pour leur bien, parce qu’ils sont toujours présents, parce qu’ils ont toujours des émotions, quelques souvenirs, par respect pour le lien entretenu avec le disparu, parce qu’ils sont capables d’intégrer de nouvelles informations. La famille reste le seul repère identifiable d’un malade d’Alzheimer, les émotions les odeurs, les rires, les voix sont autant de facteurs qui contribuent à ce que cette personne se sente en confiance. Confiance, qu’il faut absolument préserver, malgré l’annonce d’un drame.

Qui doit annoncer le décès ?

Bien souvent, les malades d’Alzheimer sont pris en charge dans des structures adaptées à leur maladie. Ils vivent donc au quotidien avec un personnel soignant familier, auquel la personne âgée adresse une confiance plus ou moins importante en fonction des professionnels.

Il est vivement conseillé qu’une seule personne, voire deux, viennent annoncer la nouvelle au proche âgé. Il faut que ces proches soient des personnes calmes, auprès desquelles la personne âgée se sent apaisée. Ces proches doivent être capable d’effectuer cette annonce, en contrôlant tant que possible leurs émotions pour ne pas trop effrayer, angoisser, ou inquiéter la personne âgée.

Faire appel à l’un des soignants de confiance, avec qui le malade a une relation privilégiée est utile afin de lui donner des repères. Il peut arriver que le malade ait un véritable moment de lucidité lors de l’annonce, une concentration particulière. Avoir un ou deux proches près de lui ainsi qu’un soignant qu’il retrouvera quotidiennement, contribue à le rassurer, le sécuriser, en douceur.

De quelle manière faut-il avertir de la disparition du proche ?

Les spécialistes conseillent à la famille d’annoncer la disparition du proche avec des phrases courtes, des mots simples à comprendre, sans aucune ambiguïté, mais en faisant preuve de douceur, de bienveillance, d’amour. Par exemple : “Nous sommes désolés de t’apprendre que X, ton frère/ton ami/ton cousin est malheureusement décédé cette nuit”, “Mamie, nous sommes venus t’annoncer une triste nouvelle. Ton mari, X, est décédé hier”.

Il est aussi préférable d’éviter de donner les circonstances de la mort, trop de détails, surtout s’il s’agit d’un décès brutal, dans des circonstances très violentes (suicide, accident de la route, maladie, etc.).

En revanche, si la personne âgée pose des questions, il faut lui répondre avec honnêteté, mais aussi avec énormément de douceur pour la préserver au maximum.

La famille doit également lui demander si elle souhaite venir aux funérailles (avec l’accord des médecins qui jugeront si ce déplacement peut se faire en toute sécurité, en fonction de son état de santé également).

A quel moment annoncer la nouvelle ?

Lorsque la terrible nouvelle doit être annoncée, il est conseillé d’aller rendre visite au proche en journée, plutôt qu’en soirée. En effet, les proches pourront alors prendre le temps de rassurer la personne âgée, la consoler, lui changer un peu les idées, rester près d’elle, parfois sans dire un mot, mais en lui tenant la main, le temps qu’il faut. En cas de réaction forte, le personnel soignant sera en mesure d’accompagner le malade.

Puis, la question du moment opportun pour avertir la personne atteinte d’Alzheimer se pose. Les médecins conseillent généralement de prévenir la personne très rapidement. D’une part parce qu’elle se doutera que quelque chose ne va pas. D’autre part, elle peut souhaiter assister aux funérailles de l’être aimé. A défaut de pouvoir s’y rendre si les conditions ne s’y prêtent pas, les soignants pourront l’accompagner moralement, la soutenir jusqu’à la date des derniers adieux et au moment venu. Ils la questionneront sur ses émotions, son ressenti, observeront son attitude, seront présents pour elle. La famille pourra venir ensuite, pour lui résumer l’événement, la rassurer sur l’hommage rendu.

Cette étape permet au malade de faire son deuil, comme tout un chacun, mais aussi de conserver sa place dans la famille, dans la société. Même s’il n’est pas en capacité d’exprimer ses émotions, de se souvenir de tout, des choses se passent en lui, que lui seul peut expliquer, peut comprendre. Il faut garder à l’esprit que ce n’est pas parce qu’un patient atteint d’Alzheimer semble totalement déconnecté, dans un autre monde, qu’il l’est véritablement et totalement. Pour l’amour du proche âgé, par respect, par humanité, cette annonce doit être faite car elle fait partie de sa vie également. A la suite de cette triste nouvelle, la famille doit s’unir autour du proche, être attentive aux changements de comportement, au possible déclin de santé, d’aptitude physique, à la possibilité que le proche “bloque” un temps sur des souvenirs précis avec l’être disparu. Il peut aussi arriver qu’il ne prononce plus le prénom de l’être aimé, du jour au lendemain, preuve qu’il aura intégré l’information.

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