Laure Mayoud prend plaisir à partager de belles histoires de patients souffrant de maladies, ayant bénéficié des prescriptions culturelles créées par ses soins depuis plusieurs années. Vous allez au fil des mois découvrir des “nouvelles” profondément touchantes autour de la beauté qui soigne.

Laure Mayoud : Par les prescriptions culturelles, nous sommes dans une relation de cœur à cœur et non en tête à tête. Ce mot d’esprit « prescription culturelle » est né de l’alchimie des rencontres humaines dans ces espaces de parole et d’écoute. Ces invitations à contempler la beauté en fonction de l’empathie esthétique de chaque personne sont des opportunités à prendre soin de soi et des autres. Aussi, la beauté ne peut pas se conceptualiser. Cela fait beauté en soi quand cela sonne juste. Grâce au rapport de l’OMS de 2019 et en écoutant depuis longtemps des personnes au bord du monde, c’est très clair aujourd’hui, la rencontre avec la beauté sous ses infinies expressions n’est pas artificielle mais essentielle.

Il est indispensable, à plus forte raison en cette période sanitaire, que des chercheurs de beauté dans le domaine scientifique liée à l’artistique nous le prouvent comme les membres du comité de notre association.

La sublime nouvelle, offerte par la famille de Jean-Claude, vous le fera vivre !

Nouvelle N°1 : L’amour à l’hôpital

Un combat contre la maladie dans des services dévoués

Papa et maman sont successivement hospitalisés en janvier 2021, alors positifs à la Covid-19. Chacun dans son pavillon, chacun dans sa forteresse. Interdiction d’aller les voir, situation assez violente pour nous, leur famille. Ma sœur tente d’apercevoir notre mère depuis l’extérieur de l’hôpital, ne serait-ce qu’une seconde, entrevoir son visage, la couleur de ses yeux.

Colette est en observation, sous antibiotiques. L’équipe soignante qui s’occupe de mon père, très durement touché par la maladie, lui téléphone toujours pour donner des nouvelles. Deux fois par jour, aux mêmes heures, un véritable rituel. Ainsi, maman l’encourage, au rythme des mots doux glissés à travers le téléphone : « tu dois t’accrocher, on y croit, on t’attend », « Tout est possible ».

Petit à petit, même si ce n’est pas toujours la même personne qui fait le compte rendu, un lien se crée avec le personnel soignant. Ma mère connaît les prénoms de chaque personne. Beaucoup connaissent le sien.

Colette a beaucoup d’admiration et de reconnaissance pour ce personnel soignant qu’elle sent débordé mais attentionné. Ils font de leur mieux. C’est le seul lien qu’elle a avec son Jean-Claude, son mari depuis 53 ans. Sa vie est entre leurs mains. Alors, Colette les encourage et les remercie toujours. Elle dit même d’eux : « Ce sont de grandes oreilles et leurs yeux sont pleins d’empathie et de compassion ».

La prescription culturelle, le remède de tous les espoirs

Très vite, toute la famille se demande comment faire plus. Comment briser les murs de l’hôpital ? Comment aider mon père qui est dans le coma ? Comment le stimuler pour qu’il reste en vie ?

Mon père, grand amateur de musique, ne passait pas une journée sans en écouter. L’idée surgit alors : il faut qu’il entende la musique qu’il aime !

Avec mon amie Laure Mayoud, nous lui apportons un poste. Laure nous aide à expliquer notre démarche à l’équipe médicale. Ensuite, elle propose des prescriptions musicales pour Jean-Claude en fonction de son empathie esthétique. On réfléchit avec elle aux musiques à diffuser. Le personnel doit en profiter, mais aussi en être partie prenante. Chaque soignant doit avoir envie d’appuyer sur le bouton ON pour que cela fonctionne. Quatre œuvres sont sélectionnées : deux CDs de Monteverdi, un de J.S. Bach, et enfin un dernier d’une chanteuse de jazz.

Nourrie par l’énergie et par l’enthousiasme de mon amie, je parle avec Violette, la cadre de santé du service où est mon père. Elle est profondément à l’écoute. Je lui explique notre souffrance de ne pouvoir être au pied du lit de notre papa. Comme le confirme le rapport de l’OMS de 2019 avec 900 publications scientifiques internationales, nous savons que la musique est un remède.

Laure Mayoud et Pierre Lemarquis, dans leur pratique soignante, entendent de manière évidente les effets positifs de cette nouvelle thérapie au chevet des patients.

Violette comprend la pertinence de cette démarche et le sérieux de cette invitation soignante. Elle donne son accord. On saute de joie. L’espoir renaît. Les prescriptions musicales sont alors suivies à la lettre.

La mélodie de la guérison

Un jour, ma mère, enfin guérie, arrive à l’hôpital et tout le personnel est en ligne et forme une haie d’honneur. La porte coulissante de la chambre de réanimation s’ouvre. Notre papa, l’amoureux de Colette est désintubé après 48 jours. L’émotion est grande autant pour ma mère que pour le personnel, qui souhaitait faire une surprise à notre famille.

Mon père parle de poésie, de musique. Je lui enregistre quelques vers : René Char « […] Impose ta chance, serre ton bonheur et vas vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront. Au plus fort de l’orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C’est l’oiseau inconnu. Il chante avant de s’envoler. ». Et aussi, Mahmoud Darwich : « Et nous nous aimons la vie autant que possible… ». Jean-Claude est artiste lui-même. Il apprendra que plusieurs des soignants ont téléchargé sur leur téléphone une de ses œuvres : « L’amour en H.L.M. ». C’est une photo qui représente mon père dans plusieurs fenêtres cherchant son amoureuse.

La convalescence est longue, nous sommes fin mai et notre papa ne remarche pas encore mais va de mieux en mieux. Ayant perdu sa voix à cause de l’intubation, il subit une intervention aux cordes vocales. Sortant à peine du bloc-opératoire, ayant retrouvé sa voix, apercevant au loin derrière une vitre Sa Colette, mon père se met à crier : « Colette Je t’aiiiiime ! ».

Les compétences et l’immense dévouement des équipes soignantes qui ont agi avec leur cœur, avec l’amour et les liens affectifs, le tout porté par la musique, ont conduit notre papa, malgré des conditions difficiles, sur les voies de la guérison.

Merci à vous tous.

Et vive l’art.

(Crédit photo : L’amour en HLM – Jean-Claude Guillaumon)