La Bretagne, région située à l’ouest de la France, est empreinte de nombreuses légendes et croyances au fil des siècles. Il y existe, notamment le mur des disparus, ou encore la légende de l'”Anken“. Mais pour l’heure, c’est une tout autre légende qui nous intéresse, celle des écouteuses des morts. Bien que cela semble faire partie du folklore breton, des journaux datant de la fin du XIXème et du début du XXème siècle tendent à affirmer l’existence réelle de ces écouteuses. Que sont les écouteuses des trépassés ? Quelle était leur rôle en Bretagne ? Tour d’horizon.

Les morts veillent sur les vivants en Bretagne

En Bretagne, la population ne craint pas la mort. D’ailleurs, les personnes décédées ont une place particulière dans le quotidien même des habitants. Au Pays de Vannes (initialement appelé “le Vannetais”, en breton “Bro-Gwened”), l’un des neuf évêchés de Bretagne, les individus ne croient pas à la mort définitive des défunts.

En effet, la légende raconte que les bretons décédés reviennent dans la vie des vivants : dans leur quotidien, dans leur travaux, dans leur maison. Ils sont donc là, bien présents.

Ainsi, cette présence spirituelle, malgré l’absence physique, vient nourrir une croyance populaire : les défunts guident les vivants dans leurs choix. De cette manière, aucune décision ne peut être prise sans avoir consulté au préalable le défunt ! Les Bretons s’en remettaient donc intégralement aux être chers disparus concernant leurs terres, leur famille, etc.

Les écouteuses des morts

Au Pays de Vannes, de vieilles religieuses, très pieuses, se sont démarquées. Ces dernières s’imposaient comme les seules personnes pouvant communiquer avec les morts pour la simple et bonne raison qu’elles étaient capables de les écouter parler, faisant de leur don, un véritable métier.
Le point commun de toutes ces femmes étaient le suivant : elles avaient côtoyé un cimetière à leur naissance avant même d’être baptisées. Cela marquerait donc le point de départ de leur “pouvoir” singulier.

Quelle était donc la marche à suivre ? La population de la région vannetaise, alors principalement composée de fermiers, se ruait auprès des écouteuses des morts disponibles pour leur demander d’aller au cimetière, sur la tombe de leur proche pour leur demander conseil. “La récolte sera-t-elle bonne cette année ?”, “Dois-je m’inquiéter des intempéries ?”. L’écouteuse des morts se rendait donc sur la tombe, munie de trois petites pierres blanches, tapait sur la tombe à l’aide de l’une des pierres et posait la ou les questions souhaitées par la famille. Les fermiers attendaient patiemment le retour des religieuses. Elles permettaient aux fermiers de savoir quoi faire, d’apaiser leurs angoisses et de répondre à leur questionnement profond.

Dans les années 1930, un article de journal fait état d’une écouteuse des morts, qui, pour pouvoir communiquer avec les défunts, devait recevoir de la famille un objet qui lui avait appartenu. La croyance collective appelait cela un “passeport pour l’au-delà“. S’ensuivaient alors 36 heures de jeûne tout en buvant des infusions de feuilles de noyer, appelé communément le vin des morts. Les feuilles de noyer sont considérées comme étant toxiques pour les autres plantes. Elles agissent comme de véritables désherbants.

Jeanne Melec, Naya la sorcière, Corentine Le Clech

Plusieurs journaux de l’époque ont permis de mettre en lumière plusieurs femmes exerçant alors le métier d’écouteuses des morts. Au-delà des simples spéculations quant à leur don, les archives présentent aujourd’hui des photos de ces femmes, donnant toujours plus de crédit à leur savoir-faire hors du commun.

Parmi les écouteuses des morts les plus connues, on retrouve alors :

  • Jeanne Melec : l’une des écouteuses les plus célèbres puisqu‘une photographie d’époque la met en scène. En effet, on peut la voir, assise sur une tombe, dans un cimetière. La vieille femme porte une tenue traditionnelle ainsi qu’une canne pour soutenir sa marche. Penchée légèrement sur la tombe, elle semble écouter ce que lui dit le défunt. Jeanne Melec recevait l’aumône en échange des confidences des défunts. L’une des phrases qu’elle aurait prononcée est la suivante : “Ils ont dit qu’ils étaient contents“.
  • Naïa la sorcière : l’histoire raconte que Naïa vivait dans les ruines du châteaux des Rieux à Rochefort-en-Terre (56) fin XIXème/début XXème siècle. Cette femme était considérée comme une sorcière par l’ensemble de la population. On lui prête de nombreux pouvoirs : celui de pouvoir se trouver à plusieurs endroits en même temps, de résister aux flammes, et de jeter des sorts.
  • Corentine Le Clech : cette religieuse exerçait le métier d’écouteuse des morts depuis plus de trente ans. Toutefois, alors qu’elle est âgée de plus de 87 ans, cette dernière est retrouvée morte dans un cimetière. Ainsi, elle emporte avec elle tous les secrets et confidences des défunts auxquels elle s’est adressée.

Les légendes bretonnes saisissent et intéressent le plus grand nombre. Les Ecouteuses des morts ont su tenir en haleine la population bretonne pendant des décennies car il ne s’agissait alors plus d’une simple légende, transmise oralement, sans fondement ou preuve concrète, mais d’une véritable croyance, retranscrite dans les journaux de l’époque. A la mort de Corentine Le Clech, la tradition des écouteuses des morts semble s’être arrêtée.

Sources :

  • Juliette Cazes et sa chaîne Youtube : Bizzareum
  • Bretagne.com
  • “Bretagne Insolite au début du siècle”, Marie-France Motrot Editions L’Ancre Marine

(Crédit photo : iStock)