“L’annonce aux abeilles” est une expression qui est longtemps restée en sommeil. Celle-ci est pourtant revenue sur le devant de la scène en septembre, lors du décès de la regrettée Elizabeth II, la Reine d’Angleterre. De nombreux articles ont alors évoqué l’annonce du décès de la Reine aux abeilles du Palais de Buckingham. Une nouvelle qui en a fait rire plus d’un, pensant qu’il s’agissait d’une blague. Pourtant, cette tradition existe vraiment. Eclairage.

L’annonce aux abeilles, une coutume ancienne et européenne

C’est principalement en Europe que la coutume de l’annonce aux abeilles existe. En effet, il s’agit d’annoncer un événement important d’un ménage (mariage, naissance, décès) aux abeilles dont un gardien prend soin.
Aussi, la coutume demandait de prévenir les abeilles même lorsque des voyages de longues durées étaient prévus !

Cette tradition nous vient surtout d’Angleterre et a été grandement observée en Irlande, au Pays de Galles, en Allemagne, aux Pays-Bas, en France, en Suisse, et aux Etats-Unis.

Les croyances populaires révélaient qu’en cas d’oubli de l’annonce aux abeilles, empêchant ainsi les abeilles de traverser leur deuil, de terribles événements surviendraient (mort des abeilles, absence de production de miel, départ des abeilles).

Un rituel strict à respecter pour annoncer le décès aux abeilles

L’annonce aux abeilles semble respecter un processus bien précis pour pouvoir mettre les abeilles en deuil.

C’est dans l’ouvrage de 1901 de Samuel Adams Drake, intitulé A book of New England legends and folk lore in prose and poetry, que ce rituel est décrit.

  • Le proche du défunt doit aller déposer un tissu noir sur la ruche, symbole du deuil ;
  • En même temps, il doit chantonner un air lugubre.

La personne chargée de prendre soin du défunt pouvait alors reprendre par exemple :

  • Un air anglais : « Le maître est mort, mais ne partez pas, votre maîtresse sera une bonne maîtresse pour vous. »
  • Un air allemand : « Petite abeille, notre seigneur est mort, ne me laisse pas dans ma détresse ».

Autre processus possible : le chef de famille pouvait aller jusqu’à la ruche, frapper délicatement dessus pour s’assurer de la présence des abeilles et leur annoncer à voix basse la disparition du défunt.

Aux Etats-Unis, cette coutume suit ce principe également. On frappe à la ruche avant d’annoncer que “Lucy est morte”.

Une cérémonie en deux temps

L’annonce aux abeilles va bien plus loin que le simple fait d’avertir les abeilles de la disparition de leur soigneur.

Il y avait toute une cérémonie de mise en place pour leur permettre d’entamer leur deuil. Certains foyers avaient à coeur d’amener les abeilles à la cérémonie d’obsèques.
Lorsque l’apiculteur perdait la vie, les victuailles des funérailles étaient déposées devant la ruche, mises à la disposition des insectes. La ruche était surélevée de quelques centimètres avant d’être reposée au sol au moment où le cercueil du défunt était inhumé.

D’autres prenaient soin de tourner les ruches recouvertes d’un tissu de deuil vers le cortège funèbre.

En France, le rite imposait aux proches du défunt d’enterrer l’un de ses vêtements sous les ruches. Aussi, il était formellement interdit de vendre, donner ou se séparer des abeilles du défunt.

Décès d’Elizabeth II, l’annonces à ses abeilles

Les jardins royaux de Buckingham Palace accueillent 7 ruches de près de 20 000 abeilles chacune. Leur gardienne décédée, une nouvelle personne allait prendre sa place et c’est alors l’apiculteur de la défunte Reine qui a eu la lourde tâche d’annoncer son décès aux insectes.

John Chapple, l’apiculteur royal, a déposé des rubans noirs sur les ruches, comme le demande la coutume. Il s’est alors mis à chuchoter aux abeilles pour leur annoncer la triste nouvelle. Aussi, il leur a expliqué que leur nouveau gardien serait désormais Charles III. Ensuite, John Chapple a frappé sur les ruches tout en leur disant ces quelques mots  “The mistress is dead, but don’t you go. Your master will be a good master to you, so treat him well” (Votre maîtresse est morte mais ne partez pas. Votre maître sera un bon maître avec vous, alors traitez-le bien).

La tradition de l’annonce aux abeilles peut faire sourire, toutefois, il apparaît que ces dernières savent reconnaître les personnes qui prennent soin d’elle, comme tous les animaux. De la même manière qu’un maître aura une attention particulière envers un chien ou un chat lorsqu’un membre du foyer perd la vie, les apiculteurs ont à cœur d’annoncer à leurs abeilles, ô combien importantes pour notre planète, que leur maître les a quittées.

(Crédit photo : iStock)